Linguère (le Djoloff), un symbole d’un patrimoine immatériel avec son trésor inestimable de relations humaines .
Il y a encore quelque part dans le monde des endroits qui, malgré la modernité, conserve encore ce qui est essentiel chez l’Homme. S’il y a un trésor inestimable qu’aucun secteur économique ni touristique ni culturel n’a jamais exploité dans notre pays le Sénégal, et en Afrique d’une manière générale, c’est bien celui-là: cette richesse immatérielle faite de valeurs et de relations humaines dont regorgent nos pays.
Dans la course vers le progrès, il y a souvent un déséquilibre, un point jamais pris en compte par les grands économistes ainsi que les institutions financières internationales. Comme un oiseau qui perd chaque jour ses plumes, l’homme tend vers le progrès et perd inversement ses valeurs, la richesse immatérielle qui est le pilier de son équilibre entre autres.
Ici dans ce Djoloff, les valeurs se conservent et demeurent éternelles malgré le temps qui passe. Elles forgent le caractère de ses habitants et se manifestent sous plusieurs angles. Il y a une configuration et un lien entre les humains qui font le socle de la société. Les liens avec des anciens professeurs, des anciens camarades de classes sont fraternels et intemporels.
Un linguerois entretient des liens d’amitié à vie avec les personnes croisées dans sa vie.
Une fidélité en amitié qui se traduit concrètement par plusieurs choses. Si un fonctionnaire vient d’ailleurs en dehors du Djoloff, il est en général adopté par la ville dès son arrivée. Ici l’intégration est douce car à vrai dire on se retrouve naturellement chez soi.
Si une personne vient d’un autre corps de métier, là aussi, les valeurs de ce Djoloff naturel la séduiront spontanément et lui laisseront des traces de bonté pour le reste de la vie. Et des années après, quand on croise une personne qui a déjà vécu dans cette ville, elle est toujours ravie de raconter des souvenirs avec des yeux pétillants. Quoi qu’il en soit, les linguerois fidèles en amitié n’oublieront jamais personne et vice versa. Comme une balle de ping-pong, cette relation s’éternise en général dans le temps : dans les cérémonies, les événements, si la présence n’est pas obligatoire, elle relève du savoir vivre. Le voisin et l’ami n’ont pas besoin d’invitation, leur présence relève du savoir vivre.
Il existe une tradition d’accueil à Linguère. Les portes des maisons sont ouvertes toute la journée. On rend visite à son voisin quand on le souhaite. Et loin d’être un dérangement ou d’être une intrusion pour celui qui reçoit, ce geste apprécié est une qualité. Le visiteur sera accueilli a bras ouvert et peut partager le repas et le thé de la famille. En effet, contrairement aux préjugés, quelle que soit la surprise, il y a toujours dans les foyers assez de nourritures durant chaque repas. Les voyageurs imprévus peuvent en général être conviés autour du bol
Ici, chaque génération se connaît et les liens d’amitié s’imbriquent. Pour faire simple, les grands frères qui ont plus de 60 ans ont fait l’école ensemble, jouer au navetane ( les compétitions de football pendant les grandes vacances) et gardent une amitié inébranlable encore aujourd’hui. Leurs petits frères avec leur même génération font de même. Tout le monde se connaît, des parents aux enfants dans chaque famille. La configuration de la société permet ainsi de garder et d’entretenir des liens d’amitié éternels malgré le temps et l’éloignement à Linguère, l’environnement offre une joie de vivre chez sa population qui ne connait pas en général la dépression quels que soient les difficultés de la vie.
Personne ne se croise sans dire bonjour quand ailleurs dans le monde dire bonjour à un inconnu peut être perçu comme une folie. Chacun se connaît. Ici, pas de méfiance entre la population. Les enfants même de bas âge jouent et circulent de maisons en maisons sans crainte et sans tous les dangers imaginables et rééls qui existent ailleurs dans le monde.
Linguère a cependant un seul point faible dont je parlerai en toute honnêteté. Lorsqu’on est loin de cette ville, la nostalgie devient un poids. Cette ville te manquera toujours. On peut en revenir autant de fois, mais on a l’impression que ce paradis perdu fait passer au microscope tous ses atouts qui fait sa différence avec le reste du monde.
Fierté et équilibre chez les enfants de Linguère et de la région doublée d’une fidélité en amitié.
Cet idéal dans les relations humaines se traduit de façon concrète au quotidien et de moultes manières. Respect des anciens, d’excellentes relations entre voisins qui finissent par être comme des parents…
Et comme un symbole de cette richesse inestimable, ici l’amitié résiste malgré le temps…la droiture et l’exemplarité sont également ( en toute modestie) des qualités chez les enfants du Djoloff
Plusieurs actes traduisent cette réalité qui permet d’entretenir et de tisser les liens sous différentes formes au quotidien dans cette ville et ailleurs quelque soit l’éloignement de ses ressortissants: engagements associatifs, actions sociales les exemples ne manquent pas…
La création d’un groupe whatsapp qui regroupe ma génération du CEM Alboury Ndiaye de 1991, 1992 a vu le jour et permet 30 ans après à des anciens camarades de classe de se retrouver et de faire comme s’ils ne s’étaient jamais séparés.
Devenus tous parents depuis et avec des postes de responsabilité dans tous les coins du Sénégal et à travers le monde. Cette spontanéité et ces liens forts traduisent l’âme inégalée de ce terroir du Sénégal.
On retrouve cette particularité du Djoloff non exhaustive dans beaucoup de terroirs du Sénégal et de l’Afrique. Et c’est un patrimoine beaucoup plus prestigieux que les ressources naturelles du continent mais ignoré et ou même négligé par de nombreux sénégalais qui devraient en faire leur première carte de visite. La Teranga sénégalaise est en effet une réalité surtout au Djoloff.
Ibra Khady NDIAYE